Voici l'article de Florian, journaliste indépendant envoyé en expédition avec un groupe de randonneurs fous
Starring :
Sophie (Maria)
Bertrand (John)
Vincent (Micky)
Tristan (Harvey)
Benjamin (je ne me rappelle plus, mais pourquoi pas Pat)
Florian (Bob, la, John ne m'a pas gaté...)
Attention: Toute ressemblance avec des évènements et des personnes réels ne serait que pure coincidence...
Jeudi 9 juillet
Pasta party frugale chez Vince pour nous mettre dans le bain. Préparatifs. Comment tout mettre
dans les sacs ?
Navette pour CDG, ça douille. Vol. Arrivée à Keflavík. Navette pour Rekjavík : ça redouille. Route lunaire dans la nuit claire de l'Islande. Plusieurs futuroscopes sur la gauche. Le chauffeur maitrise parfaitement l'anglais : "Come, sit in the bus" sont les seuls mots compréhensibles. Ça promet pour la suite.
Première "nuit" en Islande: le froid nous donne le ton du voyage. Vince, Bertrand et moi, suivis plus tard des autres, squattons des tentes en expo. Confortables. Premier test concluant des sacs de couchage.
Vendredi 10 juillet
Super p'tit déj': deux bouts de quatre-quarts. Toujours aussi frugal: va-t-on survivre à ce rythme.
Départ en bus pour Vík. Premières vues sur l'Islande. On voit tout de suite qu'on n'est pas venu pour l'architecture: les maisons sont horribles. Paysages accidentés. Champs de lave et de mousse. Collines et mer au loin à partir de Selfoss. Chutes d'eau magnifiques avant Vík. On aperçoit quelques îles proches. Les côtes sont souvent des plages jusqu'à la falaise de Vík. On contourne en bus cette falaise puis arrivons à Vík.
Paysage paradisiaque: aiguilles sur la mer et falaise couverte de végétation à droite; sorte de "Mesa" proche de la mer à gauche sur un fond de paysage complétement plat à perte de vue; monts et glacier derrière. Courses à Vík (premier remplissage du Spoutnik).
Midi sur la plage de sable noir. On tate la température de la mer: une fournaise ! Vincent pique
une tête, il ressort bleu. Riz pas cuit pour repas: impec ! On monte sur la falaise; c'est magistral.
On se croirait dans une île de Jules Verne, entre mouettes et macareux. Vue sur Vík, sur les
aiguilles dans le soleil et plus loin sur l'arche dans la mer et la bande de sable. Chaque détail est magique.
Recourses, puis départ sur route number one. On passe alors sur un chemin dans un champ
immense de poussière noire; un chemin droit, sans eau, sans végétation, c'est notre première route mentale. Tristan met tout le monde d'accord, il part devant (ce ne sera pas la dernière fois).
Rivières à sec. Bertrand et moi composons le tub mythique "Where is the funky (fucking) river ?".
Diner frugal aux bolinos. Planter de tente et première nuit en tente. Beaucoup commencent à compter leurs ampoules et les jours de marche restant.
Samedi 11 juillet (journée classée rouge)
Week-end, mais pas de tout repos. On continue la route mentale. A gauche, glacier immense
derrière les premiers monts. Le contourner ne sera pas de la tarte. Pas d'eau du matin. On traverse plusieurs rivières à sec. Temps nuageux avec du vent qui soulève la poussière. On déjeune à coté de la première rivière avec de l'eau. Farfales par absorption, vous connaissez ? A gerber, mais quand on n'a que ça, on avale...
Une zone de verdure (mais surement marécageuse) avec des moutons commence brusquement.
La limite entre la terre de poussière et cette nouvelle verdure est bien marquée. Notre espoir remonte avec elle. On arrive finalement à la route 1. Le paysage a de nouveau changé: de multiples monticules de 4, 5 mètres couverts d'herbes peuplent les champs. Bertrand, Vince et moi cherchons une station pour de l'essence et du gaz. C'est une ferme avec une misérable pompe.
On tombe sur des témoins de Jehova (qu'est-ce qu'ils foutent ici, ils sont encore plus débiles que je ne le pensais...) Le spoutnik n'a pas l'autonomie espérée. Abandon du projet initial vers les Landmannalaugar et la déception revient en flèche.
Il va falloir retourner a Vík. Campement à coté d'une grande rivière (et pas trop loin de la route en prévision des prochaines nuits). Premier repas potable (semoule): il fallait bien ça pour éviter lesuicide collectif.
Dimanche 12 juillet (journée classée verte, et surtout bleu, blanc, rouge)
Matin sur la route 1 (toujours la même, on n'en sort pas). On commence à puer l'essence, surtout mon sac qui a écopé des fuites. Autostop infructueux jusqu'à midi. On apprécie le confort des Mitsubishi. Bertrand et Tristan galèrent un peu plus longtemps que nous. A Vík, je retourne sur la falaise voir les aiguilles et la mer de haut pendant que les autres mangent. Dernières visions de ce coin de paradis. Bus à 14h pour Selfoss: tout le monde l'apprécie. On retrouve les chutes d'eau: tentatives de photos. Courses à Selfoss puis campement au bord de la ville près d'un fleuve qui fait un coude.
Le soir, finale de la coupe du monde dans un bar islandais. Le stress est suffocant (Pas pour Tristan et Sophie qui restent dormir...). Les islandais ont plutôt l'air d'être pour les Brésiliens mais après quelques-uns de nos cris les plus sauvages, ils retournent leur veste. 3-0 pour la France : superbe raclée. Le moral des troupes remonte à fond. La vue de quelques belles islandaises ne gâche rien.
On gueule un coup dans la ville et on fête ça avec la petite bouteille de Whisky. Petit bémol: je suis super heureux d'aller à la recherche de ma polaire oubliée dans le bar.
Lundi 13 juillet (classé orange, surtout en fin de journée)
Départ de Selfoss sur la route 35. On déjeune à côté d'une rivière. J'y pique une tête. Bertrand et moi passons au lavage. Hyper-froid, mais on se sent propre. Lavage du linge et étendage sur les sacs. Après-midi, le calvaire commence. On quitte la route pour un chemin de 4x4. Premiers nuages de moucherons. Insupportables: tellement cons qu'ils se fourrent dans les oreilles, le nez, les yeux, les cheveux et entre les dents. Vince tente une course effrénée, en vain. Un connard de 4x4 (si je le chope...) a roulé sur mon T-shirt mines de St Etienne, qui reste sur place, simple torchon perdu dans l'immensité islandaise.
Première averse. Premiers tests des Bermudes: je vois tout le monde en pingouin, c'est bon de se marrer dans ces conditions. On se plante plusieurs fois de chemin. L'odeur du fumier couplée aux moucherons est délicieuse. Pause figues: quelques grammes de finesse dans un monde de brutes.
On longe la rivière. Arrivée au barrage de þingvallavatn. Les moucherons se prennent d'amitié pour nous et nous collent au ... Route plutôt chiante. Le lac et la rivière qui en part dans un petit canyon sont superbes. Merci à Vincent qui fait la bouffe même avec la chianlie de moucherons. Chacun a sa technique pour les éviter. Vincent fait un petit plongeon dans le lac. Nuit à côté de la route et du lac.
Mardi 14 juillet (journée et nuit classées rouge vif)
Réveil dans les moucherons. Plus horribles et plus nombreux que jamais. Comment le moral
pouvait descendre plus bas: c'est le niveau zéro; la dépression n'est pas loin. Pas de p'tit déj', génial. On longe le lac. Nous avons quatre boiteux dans le groupe (Bertrand, c'est les genoux).
Moi, j'ai toujours rien, même avec mes godasses achetées par correspondance. Petite averse.
Tout le monde a à peu près déchiré son Bermudes: super investissement. Première sieste; vraiment appréciable ! On déjeune (comme d'habitude à 16h) à côté du lac et d'un mont qui touche ce dernier. Rencontre de la première faille. Magnifique. Les moucherons commencent à nous quitter ainsi que le désespoir.
On cache les sacs et on part pour þingvellir, la où les plaques eurasienne et américaine s'écartent. Tentative réussie de marcher pieds nus (avec la route, ça va mieux). Rencontre du rift et de ses multiples failles parallèles. Vincent contemple les gouilles d'eau au fond des failles avec envie. Quelques touristes. Scéance photos de groupe après un speech de l'infatigable orateur Beber. On grimpe sur un côté du plus grand canyon. Superbe vue sur le lac et les monts alentours, parfois enneigés, parfois dans les nuages qui surfent dessus. On oublie les anciens cauchemars.
Retour tranquille vers les sacs. Diner au même endroit que le déjeuner. Il commence à faire froid, mais le soleil couchant est magnifique. Des couleurs magiques. Au milieu du ciel et des nuages rouges et orangés, un phénomène étrange avec les couleurs de l'arc-en-ciel sans en être un.
Le ciel est bleu clair, même au crépuscule. C'est un pays qui rassemble enfer et paradis à moins d'un kilomètre.
En parlant d'enfer, on y court tout droit. On essaie de sortir du parc pour pieuter. On plante les tentes dans un champ non abrité, malgré l'avis très défavorable de Sophie. On a confiance en nos tentes; on a tort, aussi. Vent de la mort qui tue. Nuit la plus froide du séjour. Dans la tente de Bertrand, l'aération permet de goûter agréablement à la fraîcheur de la tempête. La tente de Vince perd son toit: Vincent et Bertrand en sortent heureux, le matin. La mienne s'est déchirée un peu pendant la nuit.
Mercredi 15 juillet
Vent fort toute la matinée. Pas de p'tit déj', on ne s'habitue pas, mais c'est comme ça. Ciel bleu. Route de 4x4 jusqu'à Laugarvatn (cette fois, elle n'est pas plate, ouf). Thé et chocolat dans la plaine entourée de monts. Merci à Tristan parti devant, qui nous laisse généreusement sa part.
Monts de différentes couleurs: verts avec des trainées de cendres, de laves noires partant du sommet ou des côtés. Encore un autre paysage surréaliste. Déjeuner au soleil avec vue sur les lacs de Laugarvatn. Les pauses se multiplient et les siestes sont des plaisirs incontournables.
Courses dans la ville. On a l'air de SDF mais on s'en balance. Route pendant la soirée. Au loin, on voit des monts enneigés (dont un glacier) qui se détachent sur quelques arbres au milieu d'un champ. On en oublie presque les ampoules et les voitures. On campe derrière des arbustes, près d'une maison, de la route, d'un tracteur et d'un cadavre de mouton. Repas de moins en moins
frugals: du pâté de campagne et du pain !
Jeudi 16 juillet
Départ pour Geysir. Tout le long, on se tartine de la route, et assez fréquentée en plus. Royaume des chevaux. On voit toujours les monts aux sommets enneigés. Sur la gauche, des ruisseaux ont creusé leur nid sur le versant de la montagne. Déjeuner en bas de la route. Bertrand, comme un
con, compte les 90 derniers poteaux sur la route jusqu'à la fin de l'étape. Arrivée à Geysir, qui pullule de touristes, surtout des Français d'ailleurs. Des gouilles d'eau à 100C. On sent le souffre, l'eau a une couleur bleu intense, entre colbalt et outremer. Le geyser, Strokkur, jaillit toutes les 6 min à une vingtaine de mètres de hauteur.
On ne trouve pas les gouilles d'eau chaude pour se baigner comme beaucoup l'attendaient. On ne campe pas très loin, derrière une colline. Vue superbe sur une montagne striée par ses torrents. On a trouvé un nouveau jeu, couplé à notre vote démocratique: dans le trois contre trois, la décision est prise par le groupe qui gagne un "Pierre, Ciseaux, Papier". Mais comment en sommes-nous arrivés à ce point ? Bon mais finalement, c'est marrant quand on gagne...
Vendredi 17 juillet (apogée de la rando)
Départ pour Gulfoss. Nième squat d'une station service pour la vaisselle et la toilette des dents du matin. J'ai mon oreille qui va tomber, brulée par le soleil. Sophie a le petit orteil qui dépasse le gros en taille, plus une ampoule sous le talon (faut le faire !). Bertrand a perdu ses rotules depuis belle lurette. Benjamin boite comme un rescapé de Dien Bien Phu et Tristan commence à se plaindre (enfin !). Seul Vincent, fidèle à lui-même, tente des idées loufoques, comme couper par les champs alors qu'il y a une rivière infranchissable au milieu. Tout le monde est à bout: ces routes, ce n'est pas l'idéal pour la randonnée.
Grâce à une idée lumineuse de Bertrand, Sophie et moi finissons la moitié du chemin en stop. Je longe le canyon pour rejoindre les autres, tandis que Sophie reste sur place pour un petit somme à l'abri du vent. La vue est superbe. Le canyon ressemble par sa structure à son grand frère d'Arizona, Grand Canyon, bien qu'il soit beaucoup plus petit. Mais ici, la roche est grise et noire.
La plaine s'est fait éventrée par la rivière, c'est impressionnant. Un fou a osé, malgré le vent à décorner les buffles, planter sa tente et faire sècher son linge à côté du ravin.
On déjeune (dernier repas de semoule), puis on va tous voir la chute en amont du canyon.
Epoustouflant (bien que les touristes soient un peu trop nombreux...) Une double chute sur un total d'une quarantaine de mètres. Et le vent qui fait voler les gouttes d'eau jusqu'à deux cent mètres de là. Sur l'étage intermédiaire, en face de la chute, on a du mal à respirer, avec la force du vent et de la chute, les gouttes qui nous frappent au visage; mais paradoxalement on se sent vivre comme jamais. Minuscules, éphémères mais débordant de vie.
Vince et moi prenons une douche naturelle ! A l'écart des touristes, j'aperçois un arc-en-ciel au dessus de la chute, dans la vapeur, la furie du vent et de l'eau. S'il n'y a aucune magie la-dedans...? Petite partie d'escalade de l'autre côté pour s'approcher toujours plus près de la chute. Magnifique et inhumain.
On monte sur la haute rive du lac, perchés au-dessus de l'eau déferlante, battus par le vent. Ciel bleu, presque sans nuage. L'endroit découvre toujours plus de trésors: en haut, on a une vue sur toutes les chaînes de montagnes sur 180 degrés et sur l'immense glacier Langjokull. Comment ne pas se sentir poussière dans un lieu aussi gigantesque, par la taille et la beauté. J'essaie de gambader partout mais je suis sûr de manquer quelque chose.
Finalement, retour en bus pour Rekjavík en passant par Geysir et Selfoss. Petites galères pour payer le bus. On n'a pas envie d'y penser, mais cela se sent: c'est la fin de la rando. Le paysage paraît plus beau qu'à l'aller, toujours très accidenté. A l'arrivée vers Rekjavík, les champs de lave et de mousse prennent toute leur dimension devant mes yeux. De quelle imagination est sorti pareil paysage?
Campement près de la gare routière, entre deux potagers. Courses en ville. On craque pour une glace succulente. Avec Vincent, on traverse la ville en courant jusqu'au port pour voir le coucher de soleil. On rate le disque or et rouge de peu mais le ciel sur la mer est superbe, allant de l'orange au rose vif. Montagnes noires dans la brume. Au retour, dans la ville, déesses de rêves à tous les coins de rue. Mais après 9 jours de marche, l'odeur empêche tout contact...
Samedi 18 juillet
Petit déjeuner copieux pour une fois, puis marche vers la 2ème gare routière. On joue aux cartes en attendant le bus. Dans le bus pour Keflavík, on apercoit des montagnes, dont une au sommet enneigé, dans la brume, plongeant dans la mer. Dernier apercu du Paradis. On vide le gaz et l'essence pour passer les contrôles (les toilettes de l'aéroport s'en souviennent encore). On perd 150 F en gaz, on est heureux. Avion puis RER. Pasta party chez Vince (moins frugale cette fois-ci) suivi du traditionnel carreau de chocolat (fourré celui-la).
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Texte de Florian Henaux, photos, mise en page et décoration par Vincent Motel