Voyage au Maroc, mars 2003
carnet de voyage
SAMEDI 8 MARS 2003
Après un réveil matinal pour terminer les derniers préparatifs,
je quitte Grenoble en direction de Nîmes vers 9h, dans mon bon vieux
toyota rav4, chargé d'une partie de notre matériel: affaires
de camping, popote, outils, pelle, treuil à main, câble, et
différents bidons pour l'eau et l'essence.
J'arrive juste à temps pour prendre Sylvain à l'arrivée
de son train, en provenance de Nice. Il apporte le complément de
matériel, en particulier une tente "dernier cri" qui se révélera
fort pratique.
Après quelques courses, nous partons en direction de l'Espagne.
Il y a des vignobles partout, il fait beau. A la première pause,
premier incident mécanique: il manque un écrou de roue. Le
premier garagiste chez qui nous nous arrêtons disserte longuement
sur la technicité et la spécificité des écrous.
L'accent méridional de ces palabres nous enchante déjà.
Nous passons la frontière à la nuit tombée, il
est temps de chercher un campement. Sur la carte au 400000e, nous avons
repéré ce qui semble être une des plus petites routes
de la région, et qui a l'air de monter sur une colline isolée.
Malgré l'imprécision de la carte, Sylvain, en bon navigateur,
se débrouille très bien pour la trouver en pleine nuit, avec
un peu de boussole et un peu d'intuition. La piste en question commence
au bord d'une petite ville puis monte sur la colline en pleine nature.
L'endroit se trouve être fort agréable, bien isolé,
près d'un point d'eau, mais cette première nuit sera très
froide.
DIMANCHE 9 MARS 2003
En redescendant on s'aperçoit que le chemin dans lequel nous
avons campé n'était même pas interdit à la circulation
(on avait eu un doute). On aurait pu se dispenser d'éteindre les
phares en y montant la veille. Pour rejoindre la route de Barcelona, nous
passons pas mal de temps sur de toutes petites routes, dans le brouillard,
toujours à la boussole. A ce rythme là, nous ne sommes pas
rendus au Maroc!
Sur l'autopista enfin, on avance, on avance... Barcelona, Valencia,
Alicante... l'Espagne est un grand pays. Heureusement il ne fait pas trop
chaud. Almeria... l'autovia s'éloigne de la mer et s'élève.
Très belle vue sur la Sierra Nevada au couché du soleil.
Cette région, juste avant Granada, a l'air très belle. On
le note, pour une prochaine fois! Notons aussi que les autoroutes de la
partie sud de l'Espagne sont gratuites, donc ce n'est pas nécessaire
de perdre son temps sur les routes secondaires pour essayer de faire des
économies.
Avant Malaga, on cherche à nouveau un terrain de bivouac dans
de petits chemins. Il fait déjà bien nuit et on n'y voit
pas grand chose. Finalement on se pose au bord d'un champ, en pente. Mais
ce sera le plus mauvais bivouac de tout le voyage (d'après Sylvain,
après coup). Après 1056 bornes dans la journée, on
dort bien quand même.
LUNDI 10 MARS 2003
Le Maroc approche mine de rien. Avant midi on est au port d'Algeciras,
à attendre notre bateau (pour info, c'est à 1550 km de Nîmes).
Je peux enfin m'arrêter de conduire un peu!
Quand le bateau arrive, ce sont d'abord des camions qui en sortent.
Et entre deux camions, un policier à pied qui emmène un jeune
marocain menotté. Il avait certainement essayé de traverser
en fraude. Pour lui, l'aventure européenne s'arrête là,
sur le port d'Algeciras. "Le pauvre gars" commente un passager marocain
avec qui nous discutions.
La mer est calme, on aperçoit le rocher de Gibraltar, et surtout,
on voit apparaître les côtes africaines! 2h1/2 de traversée,
et nous débarquons à Tanger. Il paraît que "l'épreuve"
de la douane ce passe bien mieux ici qu'à Ceuta (l'autre port, un
poil plus près d'Algeciras). Alors nous suivons bien les instructions
de gars sans uniformes qui nous font garer, prennent nos passeports, nous
remplissent toute la paperasse. Effectivement, c'est efficace. Ah, mais
un tel service se paye! "Un petit billet monsieur!" Un billet de 10 euros
y passe. "Et pour mon ami?" (un autre gars sans uniforme) "Ah non ça
suffit on ne se fait plus avoir..." Bon, ça durera un certain temps,
mais on ne ressortira plus rien. En fait, ces gars on le statut d'"écrivains
publics", ce qui expliquent qu'ils peuvent traîner dans la douane
sans problème.
Enfin sortis, nous traversons Tanger sans tarder, l'ambiance à
l'air très moyenne et peu sure. Après Larache, on prendra
l'autoroute pour Casablanca. Une belle autoroute toute droite, presque
déserte. Par contre des piétons et des ânes la traversent
à tout moment, et les troupeaux paissent au bord et au milieu. Attention
à ne pas se faire une chèvre. Il y a des policiers partout,
qui arrêtent des locaux, mais nous laissent toujours passer.
La journée étant déjà bien avancée,
on va arriver à Casablanca à la nuit (le quai d'Orsay déconseille
fortement aux voyageurs de conduire au Maroc la nuit, c'est extrêmement
dangereux car les deux roues sont rarement éclairés - sans
parler des piétons et des mulets). Là encore Sylvain me guide
remarquablement bien avec les bouts de plans des guides et les indications
de sa soeur (les panneaux sont très rares par ici), et on arrive
directement à la rue de la Gironde (pas très dépaysant
comme nom mais c'est comme ça à Casablanca).
C'est là qu'habite Sophie, la soeur de Sylvain, et son mari
Karim, qui est marocain. Ils ont un joli appartement neuf, dont le salon
est meublé dans le style local: de grandes banquettes recouvertes
de beaux tissus, de nombreux coussins, des tapis marocains. Nous apprécierons
bien la douche aussi, bien que Sophie nous prévienne: il ne faut
pas gaspiller l'eau, c'est une ressource rare et chère à
Casa. Karim se trouve être fort sympathique, très savant et
cultivé, il va nous apprendre beaucoup de choses sur sa ville et
son pays. En plus il fait bien la cuisine: il nous a préparé
un tajine au petit pois et à l'artichaut. On se renseigne sur la
recette. Et puis il nous sort un camembert local (il faut savoir que Sylvain
et Sophie sont normands): "vous avez votre couscous en boite, nous avons
notre camembert pasteurisé marocain!"
MARDI 11 MARS 2003
Nous allons rester une journée et une nuit supplémentaire
à "Casa", histoire de visiter et de se reposer un peu.
Au ptit dèj on nous fait boire un délicieux "lait à
l'avocat" (du lait, de l'avocat, du sucre vanillé et une goutte
de fleur d'oranger dans un mixeur: essayez, c'est bon!).
Nous partons à pied dans Casablanca. La ville est extrêmement
animée. Des quartiers extrêmement pauvres touchent des quartiers
beaucoup moins pauvres et même des quartiers bien riches. Les bâtiments
étatsuniens y sont sous bonne garde. Nous allons bien sur visiter
la grande mosquée Hassan II, on ne peut pas manquer ça quand
même. C'est immense, c'est richement décoré (le mot
est faible), ça fait quand même un peu trop neuf pour l'instant.
Nous allons voir Sophie à son travail, la documentation du lycée
français Lyautey. En plus des élèves français,
le lycée accueille des élèves marocains qui peuvent
payer, on y retrouve donc tout le "Maroc d'en haut". Sophie va les emmener
en voyage d'étude en France sur les champs de bataille où
sont tombés des soldats marocains (et donc la Normandie!).
Puis c'est Karim qui nous fait visiter. Il nous montre les fameux immeubles
modernes que les Français ont construit à Casa dans les années
1930. Les noms des rues sont effectivement d'origine française mais
ils mutent petit à petit : Gironde->Girande->Gérande...
Il nous emmène dans le quartier des boucheries, et il achète
du dromadaire, sous forme de viande hachée et de petites saucisses.
De retour à l'appart, il commence à préparer le barbecue
dans le couloir. Rapidement toute la cage d'escalier se retrouve enfumée,
mais ici personne ne dit rien, ils sont habitués! (pas étonnant
que les Marocains fraîchement débarqués en France aient
parfois quelques petits problèmes de cohabitation avec leurs voisins...
le mode de vie n'est pas le même). Sylvain et moi mangeons sans hésiter
le dromadaire, c'est très bon. Ce pays est plein de bonnes choses!
MERCREDI 12 MARS 2003
Allez, on ne va pas rester plus longtemps à Casablanca, mais
plutôt aller voir un peu plus au sud... direction Marrakech, dernière
grande ville que nous allons voir avant les montagnes et les déserts.
En sortant de Casablanca, nous manquons la grande route et nous nous
retrouvons sur de petites routes de campagne. Le paysage est verdoyant,
partout cultivé ou laissé aux troupeaux. La route n'est goudronnée
qu'en son milieu, comme de nombreuses routes secondaires au Maroc. Ca secoue
donc à chaque croisement ou dépassement. Soudain, au détour
d'un virage, on tombe sur une grande usine au logo bleu et blanc: STMicroelectronics!
(c'est mon client à Grenoble!) Décidément, il faut
continuer vers le sud pour se dépayser.
[NDLR: à partir d'ici je m'inspire des notes écrites
sur place dans mon carnet]
Quand nous atteignons Marrakech, belle ville plus aérée
que Casablanca et uniformément rouge, l'après-midi est déjà
avancée, et nous décidons d'aller directement camper au pied
de l'Atlas, et de revenir le lendemain. Nous partons donc vers les gorges
de l'Ourika, une zone montagneuse réputée et touristique
de par sa proximité de Marrakech, dans les contreforts du massif
du Toubkal (le sommet du Maroc).
Quand la route commence à s'élever, le paysage est magnifique:
sols et roches rouges, ou jaunes par endroit, et beaucoup de verdure dans
le fond des vallées où il y a de l'eau. Les environs sont
assez peuplés, et même bien touristiques vu le nombre de restos
et d'hôtels. Le dernier village au bout de la route, Setti Fatma,
est assez important. Comme l'endroit est touristique, de nombreux guides
nous proposent leurs services, mais pour l'instant, nous cherchons surtout
à poser notre tente au calme. Une piste traverse le village et continue
au loin... notre première piste marocaine! Nous ne sommes pas déçus:
d'abord on roule sur des galets et dans un ruisseau, puis c'est une forte
pente dans du sol brun-jaune. Plus loin c'est plus facile, et l'on a une
vue magnifique sur le village et les montagnes qui l'entourent. On note
les antennes de télé par satellite sur les maisons. Le village
suivant par contre, au bout des 9km de piste, n'a pas l'électricité.
C'est plus petit et surtout beaucoup plus pauvre. Les maisons se confondent
avec la terre brune dont elles sont faites. Des enfants nous accueillent,
ils sont d'abord intéressés par nos lunettes et demandent
à les essayer. Puis ils nous demandent des dirhams (refusés).
Ils auraient plutôt besoin de bonnes chaussures.
La piste est terminée, au-delà c'est un sentier muletier,
vers des villages encore plus isolés. Nous revenons vers Setti Fatma
jusqu'au col au premier tiers de la piste, qui fait un magnifique emplacement
de camping, exposé est et ouest (c'est de là qu'on a la vue
sur le village). Le temps est au beau fixe. Quelques passants nous saluent,
et deux berbères âgés tentent l'auto-stop. Sylvain
reste au bivouac et je les descends à Sitti Fatma. Ils ne parlent
pas un mot de français mais on se comprend bien, ils ont l'air sympas.
Sur les grandes routes bien sur on n'a jamais pris un auto-stoppeur
ni les risques que ça comporte, mais dans les montagnes on en prendra
de temps en temps, malgré le manque de place (sièges arrières
rabattus pour le matos). Ce n'est pas que ces gens soient pressés
d'arriver, mais ça doit les amuser de faire un peu de 4x4 avec nous.
Malgré l'altitude (aux alentours de 2000m) et la saison, la
nuit n'est pas froide: 14°C le soir, 10°C le lendemain matin à
7h.
JEUDI 13 MARS 2003
Réveil au son de l'appel à la prière du village
de Setti Fatma, en contrebas. Départ à 8h. En retraversant
le village, on trouve un guide qui nous propose d'aller visiter les cascades,
l'attraction du village. Tarif proposé: 100dh, négocié:
50dh. Après 1/2h de marche on arrive à la première
des fameuses cascades. On remarque les canaux d'irrigation qui vont vers
le village. A proximité se trouve le Marabout de Setti Fatma, le
sanctuaire d'un homme qui était guérisseur et saint. Notre
guide, M. El Houssaine, nous explique beaucoup de choses, il avoue pourtant
n'avoir jamais fréquenté l'école et appris plusieurs
langues étrangères au simple contact des touristes! Il a
aussi le sens du commerce puisqu'il termine sa visite par une fabrique
de tapis et une boulangerie où l'on s'approvisionne (1 pain: 1 dirham).
Ce guide propose aussi des randos de plusieurs jours dans le massif du
Toubkal, avec âne porte-bagages en option (avis aux amateurs).
On redescend ensuite vers Marrakech. On va bien sur voir la fameuse
place Jemaa-el-Fna, qui est effectivement fort animée. A cette heure
pourtant, ce n'est pas encore la cour des miracles. Sylvain qui rêvait
de voir un vrai charmeur de serpents se trouve lui-même avec une
couleuvre autour du cou, et il est bien sur allégé de pas
mal de dirhams. Après un coup de fil à Karim pour se faire
conseiller, on mange un couscous au resto l'Argana. Le mouton est plutôt
bon, mais le chic de l'endroit contraste un peu trop avec le reste de la
place.
Après le plein de SP95, et du bidon cette fois, on quitte les
beaux remparts rouges de Marrakech pour partir plus au sud. C'est la route
du col Tizi n Tichka, on espère qu'elle sera ouverte. Là
encore, le paysage est rouge et vert, comme le drapeau du royaume. Des
vendeurs de minéraux en plastiquent tentent d'arrêter les
voitures. Plus haut, à l'approche du col, les couleurs changent.
On trouve toutes les nuances du gris, du brun, du jaune... c'est aussi
beaucoup plus sec. Finalement, on ne verra pas du tout de neige! Juste
après le col, on prend la petite route de Telouèt, qui doit
plus loin se transformer en longue piste de montagne qui descend à
Ouarzazate.
C'est une région plus peuplée que ce qu'on pensait, Telouèt
n'est pas le seul village, c'est d'ailleurs presque une ville. Attrapés
par des commerçants et des (faux?) guides dès notre arrivée
("bonjour l'Isère!" - eh oui, capables d'apprendre la liste des
départements français pour espérer vendre un tapis!),
on décide de continuer. On le regrettera plus tard en apprenant
que Telouèt a une des plus belles kasbah du Maroc.
Nous allons quand même trouver, par hasard, quelque chose d'intéressant:
alors que la route est toujours goudronnée, je remarque une petite
piste qui part à gauche, et nous nous y engageons. Le fond du ruisseau
asséché en contrebas est recouvert de cristaux de sel. Puis
on trouve une "piscine" pleine d'eau saturée de sels et de cristaux.
Au bout de 2km, nous arrivons à une mine de sel. Il n'y a personne,
mais elle est encore en activité, il y a des vêtements et
des outils. On jette un coup d'oeil, et deux mineurs arrivent. Ils ne parlent
presque pas le français, mais ils nous font visiter leur mine de
"sil". On reçoit en cadeau des échantillons de la roche rougeâtre
-et salée- qu'ils extraient.
Cette petite vallée est un endroit idéal pour camper
au calme, on se pose à 200m de l'entrée de la mine. Le soir,
le mineur berbère viendra nous donner de l'eau douce pour nous laver.
Ciel légèrement nuageux, pas de vent, 8°C à
19h.
VENDREDI 14 MARS 2003
Réveil après une nuit assez froide, j'ai du utiliser
la couverture supplémentaire. Il fait 2°C, mais dès que
le soleil se montre la température grimpe vite à 14°C.
Après le ptit dej, le mineur (en chef?) vient nous voir et nous
fait signe de le suivre dans la mine. Bruit de moteur dans une cabane:
il nous montre un compresseur. Effectivement, un ouvrier débite
le "sil" au marteau piqueur. Ils utilisent aussi des explosifs. Le chef
nous incite à prendre des photos, mais il récolte les dirhams
à la sortie!
On reprend la petite route, qui se transforme en piste. Elle est décrite
dans le guide Gandini du Maroc en 4x4, c'est d'ailleurs la seule piste
que nous avons faite dans ce guide. Les points GPS de Gandini ne nous sont
d'aucune utilité, et on aime bien chercher notre route nous même
à la boussole et avec l'aide des habitants. Il nous faudrait quand
même des cartes plus précises que la 1/1000000 de l'IGN.
C'est tout de même une sacrée piste de 4x4: caillouteuse,
cassante, nous sommes bien secoués malgré la faible vitesse.
Nous avons du temps devant nous. Au premier resto, on s'arrête boire
un thé, "le whisky des Berbères" selon notre serveur.
La piste continue le long de la vallée, généralement
rouge à fond vert. Par endroit c'est un canyon, des falaises escarpées
bien au-dessus du fond de l'oued. Plus loin les roches et la piste sont
toutes blanches. Une jeune fille trouve la technique pour nous arrêter:
elle se met en travers de la piste, et nous demande de transporter la vieille
dame qu'elle accompagne. Comme ça serait dommage de prendre la vieille
dame sans la jeune fille, on s'arrange pour les emmener toutes les deux.
Au passage les habitants rencontrés nous saluent mais nous harcèlent
moins. Quelques km plus loin on les laisse dans leur hameau et on continue.
Jolis paysages, aucune difficulté sur la piste.
Puis le goudron réapparaît, et même les autocars
de touristes. Les environs sont beaucoup plus plats et secs, on approche
de Ouarzazate. Ce sont ensuite des paysages de western jusqu'à Boulmane.
C'est de là que nous comptons nous lancer dans la traversée
du Jebel Sahro, sans connaître précisément les difficultés
qui nous attendent. Mais comme nous avons refait le plein de carburant
et racheté de l'eau en bouteilles, nous pourrons toujours faire
demi-tour si nécessaire.
Nous trouvons le départ de la petite route quelques km plus
loin, après avoir hésité entre plusieurs pistes qui
partaient dans la même direction. Elle traverse un désert
plat tout droit en direction du Jebel Sahro. Quand on commence à
monter, elle se transforme en piste encore très roulante jusqu'à
Iknioun. Nous faisons l'ascension d'un petit sommet à pied pour
admirer le paysage. C'est extrêmement sec, couvert de pierres. Mais
en s'approchant on découvre une végétation discrète,
mais diverse et souvent étonnante, par exemple de petits buissons
épineux très secs qui portent des fleurs d'un bleu tendre.
D'ailleurs ce "désert" sert de pâture aux chèvres.
Après Iknioun on hésite sur la route à suivre,
la carte n'est d'aucune aide. On se retrouve sur un chemin de plus en plus
caillouteux et hésitant. Demi-tour, cap au nord pour retrouver la
piste qui devrait être ouest->est. On doit traverser un chemin entre
des petits champs, coupé de fossés peu profonds qu'on franchit
facilement en faisant attention. On retrouve la piste, bien orientée
E, et on se fait confirmer qu'elle mène bien à Alnif (ce
qui nous coûte 1Dh). La piste a une odeur particulière, presque
parfumée. Je me demande si c'est la poussière elle-même
ou l'odeur des plantes du désert.
Le soir approche, et plus loin on tourne à gauche pour chercher
un campement. On s'installe sur le bord sablonneux du lit d'un oued. Le
paysage qui nous entoure est dégagé, fermé plus loin
par des montagnes aux formes plus ou moins déchiquetées.
Des crêtes de furieuses roches noires s'opposent à des pentes
plus douces aux couleurs pastel. Beau temps légèrement nuageux.
14°C à 18h40, avant la nuit. Jusque là tout va bien.
Sylvain sort le muscadet.
SAMEDI 15 MARS 2003
Réveil à 6h38, il fait -0.5°C, la nuit était
froide et sèche. On entendait les ânes de temps en temps et
maintenant ce sont les coqs qui chantent. Au départ je laisse le
volant à Sylvain.
Il est de plus en plus difficile de s'orienter, nous sommes obligés
de se refaire confirmer la direction fréquemment. Comme la piste
aussi est de plus en plus difficile, je reprends le pilotage. C'est d'abord
bien caillouteux, puis ça devient extrême, les roches sont
tranchantes, c'est souvent plus un escalier qu'une piste. Les pneus BFGoodrich
AT/KO font merveille. Je crois qu'un pneu normal aurait crevé des
dizaines de fois par km. On se retrouve dans le lit d'un oued. La marche
pour y descendre faisait un bon mètre, on a du déplacer quelques
grosses pierres, et l'échappement a pris une petite bosse. De là
on va faire une longue reconnaissance à pied, soupesant les difficultés
et cherchant le meilleur passage. Au col le plus haut, on trouve une espèce
de monument, apparemment lié à la bataille de Bou Gaffer
qui a du se passer dans le coin.
Nous parviendrons à hisser le rav jusque là. Il montre
de bonnes capacités par sa garde au sol, ses angles d'approche et
de sortie, et bien sur ses pneus. La plupart des difficultés passent
presque en douceur, en s'arrêtant souvent pour déplacer les
plus grosses pierres.
Plus loin, sortie de l'oued, la piste semble moins difficile, mais
c'est encore long et il faut faire attention à l'orientation. Pique-nique
à l'ombre d'un arbre isolé, il y en a très peu par
ici. Nous traversons des déserts de pierre montagneux désolés.
Leur couleur est effrayante, entre l'orange et le noir, comme grillé
par le soleil. Mais les pierres ne grillent pas, l'origine pourrait être
volcanique. L'été pourtant, l'endroit doit être une
vraie fournaise, du genre inhospitalière.
Nous longeons ensuite les lits d'oueds de plus en plus larges. Impression
d'immensité. La verdure des cultures réapparaît par
endroits. Après un dernier désert de pierre d'une platitude
vertigineuse (sûrement ce qu'on appelle "hammada"), on finit par
rejoindre la route puis Alnif. Les pompes de SP95 sont vides, mais nous
n'avons pas encore tapé dans la réserve. Très bonne
route jusqu'à Rissani (carburant, km 2816 depuis Nîmes) puis
Erfoud. De là, on va pouvoir partir pour Merzouga, enfin! Depuis
le temps qu'on parle de ces dunes, on a hâte de les voir.
D'abord la route, bordée de marchands de fossiles. Puis c'est
la piste ou plutôt une vaste "esplanade" sèche couverte de
petites pierres (le fond d'un lac asséché?) ou courent de
nombreuses traces plus ou moins parallèles. On garde l'oeil sur
la boussole, et on arrive aux premières dunettes. On s'y plante
tout de suite, et les locaux accourent pour apporter leur aide et surtout
nous vendre des petites choses. Le désensablage est un peu laborieux,
l'embrayage chauffe. On évitera désormais les dunes avec
les pneus gonflés à bloc! Et on passera les zones ensablées
avec de l'élan. Un peu plus loin on croit avoir trouvé le
camp idéal, un peu caché dans les dunettes. On se promène
à pied dans les dunes, admirant l'infinie variété
des jeux du vent avec le sable. Le "grand" Erg est à une dizaine
de km de là, et ces montagnes grises au fond, c'est l'Algérie.
Mais pendant ce temps, un gars du coin est arrivé en mobylette,
et nous fait part de son intention de rester là (à moins
bien sur que nous lui demandions de nous guider ou de nous trouver un hôtel
ou je n'sais quoi). Je m'énerve un peu, et on part camper quelques
km plus loin. Comme il fait très beau, on en profite pour bien se
laver, et on commence notre cuisine. Mais au bout d'un moment, c'est pareil,
des jeunes arrivent et nous regardent manger sans rien dire! Cette fois
on laisse tomber, et on décide de déménager beaucoup
plus loin, sur un départ de piste à 15km au nord d'Erfoud,
qui ne risque pas d'être touristique.
La nuit est déjà tombée, et il faut d'abord rejoindre
la route. On se dirige à la boussole, et sur l'"esplanade" on rejoint
une colonne de Def' 110 blancs (il y en a énormément entre
Erfoud et Merzouga pour transporter les touristes) qui remonte à
vive allure vers Erfoud. C'est une bonne occasion de ne pas se perdre,
et on commence à poursuivre les phares rouges dans la nuit. Par
endroit on sent que le sable absorbe pas mal de puissance, mais avec l'élan
ça passe. Nous rejoignons ainsi Erfoud sans problème. Puis
après un peu de recherche, on trouve la piste qui part vers Boudnib
et on peut enfin poser le camp. Quelle journée!
DIMANCHE 16 MARS 2003
On se réveille dans de la poussière très fine
qui pénètre partout. L'endroit est effectivement sans intérêt,
une grande étendue morne sous un ciel poussiéreux. Cette
piste de Boudnib ne nous tente pas trop, on va plutôt retourner à
Merzouga, après tout ces fameuses dunes étaient plus ou moins
le but du voyage.
Maintenant on commence à connaître la direction! A vue,
on trouve le grand Erg facilement. On laisse la voiture près d'un
camp de dromadaires, et on grimpe à pied sur les grandes dunes (pied
nu même pour Sylvain). La matinée est déjà bien
avancée et la lumière n'est pas exceptionnelle. Mais nous
sommes encore étonnés par la variété des formes
que prend le sable. D'en haut, on a une belle vue sur... d'autres dunes!
On prend garde à l'orientation car on aurait vite fait de se perdre
dans ces montagnes de sables toutes différentes mais toutes semblables,
où il n'est pas vraiment possible de suivre un cap tout droit...
Ces dunes sont d'une hauteur assez imposante, j'aurais du mal à
dire combien. Je crois qu'elles sont bien plus grandes que la dune du Pilat
(je pense d'ailleurs retourner voir cette dernière un de ces jours
pour comparer).
La balade terminée, on passe voir les dromadaires, et on se
dirige vers Merzouga-centre. Là, en sortant d'une boutique, on se
fait attraper par un vendeur de la "maison des nomades", qui se dit aussi
animateur culturel. Dans le dépôt nomade en question, il nous
fait un grand déballage de tapis, nous fournit de nombreuses explications
(intéressantes) et nous sert le thé-à-la-plante-qui-est-bonne-pour-l'-estomac.
Bien sur, on résiste et on n'achète aucun tapis. On veut
quand-meme lui acheter un petit souvenir, et là commence une longue
négociation pour arriver à un prix raisonnable.
On quitte Merzouga, fatigués de tous ces vendeurs et rabatteurs
de toutes sortes. Direction le nord. C'est le retour qui commence.
La vallée du Ziz est très belle, avec des panoramas spectaculaires
sur les oasis depuis la route. Mais le temps se gâte. Après
le "tunnel du légionnaire", sur une route toute neuve et toute belle,
on passe la ville d'Er Rachidia (également toute belle, avec
de nombreux militaires et camps militaires), et on cherche la petite route
de Kerando/Gourrama.
On pose le camp avant Gourrama, au km 3233, dans une vallée
très large assez désertique. Le vent souffle, retombe, et
pendant la nuit soufflera à nouveau en tempête, suivi par
la pluie.
LUNDI 17 MARS 2003
Après la nuit agitée, il ne pleut plus, le temps est
gris, comme le paysage d'ailleurs. On redescend du campement (dans une
zone assez désertique, avec quelques conifères), et on reprend
la route de Gourrama. Cette ville se révèle fort sympathique:
les habitants nous saluent mais personne ne nous demande rien, on achète
un pain tout chaud à la boulangerie pour 2dh, et on prend un thé
dans un bistrot sur la place du marché. Un homme, qui attend des
visiteurs étrangers, croit que c'est nous, mais non. Il s'excuse
gentiment. En sortant de Gourrama, après quelques hésitations,
on trouve la piste qui va vers Tiouzaguine et Bou Redine. Le temps est
vraiment maussade. La piste, d'abord très roulante, devient un peu
plus difficile mais les "camions rouges" (qui assurent le ravitaillement
des villages reculés) y passent encore. Passages en fond d'oueds
bien marqués, bien tassés. Puis en montagne. Les paysages
sont très variés, d'un virage à l'autre la roche change
complètement de nature et de couleur. Avec l'altitude, la température
chute, et des flocons de neige commencent à tomber.
A un puis, nous hésitons entre deux routes d'égale importance
et prenons celle de droite, qui monte dans une jolie végétation
de buissons bas. Et l'on tombe sur trois véhicules, arrêtés
près d'abris en pierre. Ce sont les exploitants d'une mine de minerai
de zinc. Le géologue en chef et son assistant (un stagiaire) nous
reçoivent, avec un thé bien sur! Ils ont des cartes topo
très détaillées et nous montrent la route à
suivre pour Bou Redine. L'assistant nous présente de beaux échantillons
de toutes sortes de minerais, et le géologue en chef M. El Hassani,
me dit que oui, il connaît M. Normand.
Après les remerciements, nous repartons dans la bonne direction
pour Bou Redine. La piste est toujours assez bonne, mais il faut rouler
doucement. En début d'après-midi, nous arrivons au village
d'Almou Abouri, que nous avaient signalé les géologues. Alors
que nous le traversons lentement, deux ou trois hommes approchent, nous
essayons de leur demander si c'est bien la direction de Bou Redine. Puis
ce sont dix, quinze hommes qui nous entourent, ils ne parlent pas français
mais veulent nous dire quelque chose. Nous sommes assez impressionnés.
Alors que leur nombre continue d'augmenter, un "interprète" arrive.
Il nous explique qu'il faut s'arrêter ici pour venir boire un thé!
Nous acceptons, et sommes escortés jusque dans une pièce
sombre à l'intérieur d'une grande maison aux fenêtres
minuscules. On nous apporte le thé, et notre interprète commence
les présentations. C'est Adil, l'un des instituteurs du village;
il y a un mariage dans le village qui en est à son troisième
jour de fête, et nous sommes dans la maison du marié. Le marié
vient nous voir et nous propose de rester pour au moins une nuit. Les instituteurs
ajoutent qu'on va assister aux danses "folkloriques" et même y participer.
Nous irons d'abord voir l'école et ses petits élèves,
boire encore un thé dans la maison des instituteurs, visiter les
champs du village, et faire ainsi plusieurs A/R entre la maison des instituteurs
et celle du marié, toujours accompagnés. Le marié
nous propose une première fois de la chèvre en brochette
(les chèvres des montagnes ne servent pas à faire du fromage!)
et une très bonne omelette. On commence à discuter avec les
imams, qui ont apparemment une grande influence sur les habitants du village.
Ils veulent qu'on les questionne sur la religion et divers sujets, comme
le préconise l'islam. Puis ce sont eux et les instituteurs qui nous
posent des questions, sacrément délicates en plus: l'Irak,
le 11/09, le conflit israelo-palestinien...
Et le mariage? Nous n'avons assisté qu'à une petite partie
des festivités car c'était déjà le troisième
et dernier jour. Mais l'ambiance était encore à la fête!
des dizaines d'hommes, de tout âges, s'étaient regroupés
dans une pièce mal éclairée, surchauffée, serrés
les uns contre les autres. On sentait leur joie d'être là
tous ensemble à chanter, taper dans leurs mains et sur des tambourins.
Tout naturellement ils nous ont fait une place sans s'arrêter de
chanter et nous avons pris part à la fête, tapant dans nos
mains nous aussi. Le manque de place a finit par les faire sortir tous,
et dehors, au clair de lune, ils ont commencé la danse "folklorique".
C'était tout simplement un simple cercle d'hommes, cote à
cote, qui tournaient doucement en chantant. Le cercle s'agrandit de plus
en plus jusqu'à compter une cinquantaine de personnes. Plus tard,
les instituteurs, à notre demande, nous ont appris quelques paroles,
ce qui nous a permis de chanter avec eux:
<<Anini Bismilah Anini Bismilah
Adi Ghoda Lfarhans
Adi Ghoda Srabbi
Anini Bismilah Anini Bismilah
Adi Ghoda Lfarhans
Adi Ghoda Srabbi>>
<<Ini Haw Haw A Aicha
Chchan Izyar Anaânaâ>>
Cela a bien sur beaucoup amusé les habitants, et certains qui
ne dansaient pas venaient juste derrière nous pour nous entendre
chanter. Par contre nous n'avons presque pas vu de femmes, bien que nous
les entendions chanter elles aussi dans les pièces voisines. Ces
festivités n'étaient pas mixtes.
En soirée le marié nous a servi un plat marocain à
base de légumes, de viande et d'olives. Tout ça arrosé
de nombreux thés bien sur. L'imam nous invite à passer la
nuit chez lui, car il a très envie qu'on l'interroge sur la religion,
sa spécialité. Alors on lui pose des questions bateau pour
ne pas trop soulever de polémique.
Vers minuit et demi, enfin, on nous laisse dormir, non sans nous avoir
proposé encore un enième thé, dans la maison des instituteurs
finalement. Nous repoussons notre entretien avec l'imam au lendemain matin.
MARDI 18 MARS 2003
[NDLR: à partir d'ici je laisse la plume à Sylvain, je
reprends les pages qu'il a écrites dans le carnet]
Nous avons relativement bien dormi, sur quelques couvertures posées
par terre, rien à signaler, hormis une souris qui m'est passée
sur le visage au milieu de la nuit.
Dès 8 heures du matin notre aventure gastronomique reprend,
nous optons pour du chocolat, le café est trop humide et ressemble
à une pâte noire, on en profite pour refourguer notre pain
de la veille aux instits.
Ensuite direction la maison du marié pour lui faire nos adieux,
on accepte un dernier thé mais on refuse de manger. Quand le pain
frais et l'huile d'olive du village voisin arrivent on ne peut refuser.
C'est sûrement une des meilleures façon de goûter l'huile
d'olive mais c'est un peu dur à digérer.
Notre marathon se poursuit chez l'imam auquel nous avions échappé
la veille, nous faisons une dernière ballade ensemble au-dessus
du village. Adil nous invite à poser des questions à l'Imam
mais la seule question qui nous brûle les lèvres est "quand
est-ce qu'on part?" De retour au village nous refusons d'aller manger chez
l'Imam, trois repas dans la matinée, même pour Vincent c'est
trop. Nous acceptons le pain que nous offre l'Imam et celui du père
du marié qu'il nous enveloppe dans un napperon berbère.
Enfin nous partons, il est 11h30, et nous remontons l'oued en direction
de Bou Redine. Rapidement la piste devient difficile, nous déplaçons
de nombreuses pierres pour se frayer un passage car il n'y a plus de piste
du tout, puis à bout de forces, nous décidons de partir en
reconnaissance à pied. Après quelques km, vu l'état
de la piste et les difficultés quasi-infranchissables qui restent
à passer, nous décidons de faire demi-tour et d'épargner
cela au rav, ce serait trop bête de casser un ressort de suspension
si près de la fin. C'est donc la mort dans l'âme que nous
reprenons la direction d'Almou. [précision: il nous a fallu deux
heures pour remonter seulement 4 km de l'oued sans piste, et il nous faudra
encore une heure pour redescendre, en reprenant nos traces pourtant].
A l'entrée du village nous refusons un auto-stoppeur, de toute
façon nous sommes bien décidés à ne pas nous
arrêter à Almou. Au centre du village, les habitants tiennent
toujours les murs. Nous croisons à nouveau l'Imam et le marié,
et leur faisons comprendre que la piste était trop dure pour nous.
Ils semblent surpris, c'est vrai qu'en mulet ça passe facile. Nous
refusons un dernier thé et filons avant que l'auto-stoppeur arrive.
Devant l'école nous baissons la tête et Vincent accélère.
Ouf! Nous sommes sortis. Notre joie est de courte durée, il semble
que le rav se plaise à Almou, un bruit inquiétant, un glong
glong suivit d'un cliquetis métallique s'échappe du pont
avant droit. On s'arrête une fois, deux fois, on secoue la roue,
les cardans, rien ne bouge. Le bruit est maintenant constant, alors on
décide de démonter la roue. Et là, on voit pendre
lamentablement un morceau du ressort d'amortisseur, heureusement c'est
la dernière spire qui est cassée et nous pouvons continuer
à rouler. De toute façon nous n'avons pas le choix, le premier
garage est au mieux à Gouramane, à plus de 50 km de piste.
Nous décidons de camper au bord de la piste, avant d'arriver
à Tiouzaguine. L'endroit est désert mais le temps se gâte,
et nous dormirons sous la pluie ce soir. Après avoir mangé
je laisse Vincent surveiller le camp pour aller faire un besoin bien naturel,
après tous les mélanges et les émotions accumulées
depuis deux jours. Quand je reviens, Vincent est en compagnie de deux ombres,
un vieil homme déguisé en Obiwan Kenobi (une grande jellaba
sombre surmontée d'une capuche en pointe) et un enfant. Au pied
du vieil homme gît la dépouille de ce que le petit affirme
être un loup, moi je reconnais plutôt un renard ou un fennec.
Le vieux cherche à nous faire peur en nous tendant sa bête
et en affirmant qu'il y en a bezef dans les montagnes. Nous comprenons
rapidement que c'est un auto-stoppeur berbère qui veut rentrer sur
Gouramane. Nous nous concertons rapidement avec Vincent: il y a peu de
place dans le rav, il fait nuit, nous avons déjà pris l'apéro,
mais la nuit s'annonce mauvaise avec de la pluie et du vent. Nous décidons
donc de plier le camp, on essayera ensuite de négocier une nuit
chez le vieux (il faut préciser que ce dernier ne connaît
pas un mot de français, et que le petit en connaît quatre:
"donne-moi des dirhams"). Le rangement est expéditif, on bourre
rapidement la tente mouillée et la popote sale à l'arrière
du rav. Je donne un grand sac au vieux pour qu'il y mette son cadavre et
je monte à l'arrière, les deux pieds sur le jerrycan. Le
vieux et le petit s'assoient devant. Vincent me glisse la sac avec la dépouille
sur les genoux? Merci Vincent! Et nous voilà partis.
La maison du vieux est beaucoup plus proche que nous le pensions. Nous
lui faisons comprendre que nous aimerions dormir et il accepte. C'est une
maison traditionnelle bâtie avec les matériaux du coin, le
sol est en terre battue dans l'entrée et le "salon". Après
un bref "ssalamu'lekum" à la famille, nous comprenons qu'on ne doit
pas rester là et le vieux nous présente notre chambre. Comme
chez les instits notre lit sera fait de quelques couvertures étendues
sur le sol. Notre ami berbère nous offre le thé. Puis son
ses yeux amusés nous nous glissons dans nos duvets. Notre hôte
dépose quelques couvertures sur nous puis s'éclipse en riant.
Nous avons également du mal à ne pas éclater de rire.
Quelques minutes plus tard notre trappeur berbère revient nous
border un dernière fois. Nous passerons ensuite une très
bonne nuit sous l'oeil bienveillant du portrait de Hassan II.
MERCREDI 19 MARS 2003
Au petit matin nous nous levons en espérant pouvoir boire un
thé, malheureusement notre hôte nous propose un qahwa. Nous
ne savons toujours pas très bien ce que c'est. Il semble que ce
soit à base de café très léger, qui a bouilli
plusieurs fois, avec beaucoup de sucre et peut-être du lait. C'est
infect.
Vincent remet le sien dans la cafetière, moi j'assume jusqu'au
bout et je fini mon verre. Le vieux nous offre du pain que nous ne pouvons
pas finir, écoeurés que nous sommes par sa potion magique.
Nous nous quittons en lui laissant un pot de confiture, et nous reprenons
la direction de Gouramane. Sortirons-nous un jour de la piste d'Almou?
[NDLR: ici finit le carnet - par la suite, il se passera moins de choses]
Oui, nous en sommes sortis. Le ressort de suspension à tenu jusqu'à Gouramma, et bien au-delà. Nous avons ensuite repris la grande route pour repartir vers le nord et se rapprocher petit à petit de Tanger. Nous avons vu de beaux sommets enneigés au-dessus de Midelt, et visité brièvement Mekenès. Il est à noter que nous n'y avons pas subit même harcèlement que dans les autres villes touristiques. Camping une trentaine de km plus au Nord, dans une campagne partout cultivée.
JEUDI 20 MARS 2003
Il n'en pouvait plus d'attendre. Il a arrêté de discuter,
de menacer, de chercher des appuis, des raisons, des prétextes.
GWB a lancé son armée sur l'Irak.
Pour nous le périple marocain se termine. Sidi Kacem, Ksar el
Kebir, Larache... C'est le Maroc verdoyant et agricole. Avant midi nous
arrivons au port de Tanger (3971 km depuis Nîmes, dont 2415 au Maroc).
L'attente du bateau est longue. Pour passer le temps allons dans le seul
bouiboui du quai, qui nous sert une friture de poissons avec quelques crudités
(erreur, mais notre vigilance se relâche).
Sur le petit détroit qui nous sépare de l'Europe, le
vent est assez fort et le bateau bouge beaucoup. Je suis pris de mal de
mer. Nous débarquons à la nuit sur le port d'Algeciras. Passage
rapide de la douane.
Nous roulons jusqu'au-delà de Malagà ou nous posons la
tente tard le soir. Nuit sans repos pour moi car le bateau m'a retourné
et la friture de poissons n'est pas passée du tout.
VENDREDI 21 MARS 2003
Traversée de l'Espagne, c'est très long! Cette route
de la méditerranée doit être un des principaux axes
de transport en Europe, car il y a une quantité de camions impressionnante.
Il fait beau, et Sylvain me relaye dans la conduite, surtout le matin car
je n'étais pas vraiment en forme. Mais le soir nous trouvons un
bon emplacement de camping dans une forêt entre Barcelona et Girona.
Nuit beaucoup plus reposante cette fois.
SAMEDI 22 MARS 2003
Quand nous passons la frontière, les douaniers nous demandent
d'où nous venons... "rien à déclarer? pas de chocolat
marocain?" et ils commencent une fouille légère. Puis
ils nous laissent continuer.
Je laisse Sylvain à la gare de Béziers (à 5433km
de Nîmes), et je rentre à Grenoble dans l'après-midi
(6062 km depuis Grenoble).